Propositions indécentes (Part.2)
Un récit du Mystère de la Plume
Propositions Indécentes - 2eme partie
Je tremble un peu de découvrir l’objet de ce message.
Au regard de l’heure tardive, ce ne peut être mon tortionnaire. Mon entreprise est fermée depuis plus d’une heure.
Soulagée, je prends conscience que j’avais retenue mon souffle durant quelques secondes. Le mot de passe tapé, une enveloppe bleue s’affiche sur l’écran. Je sais immédiatement que le petit jeu a repris, qu’il ne cessera pas ce harcèlement après la photo de mon body en dentelle. Au contraire !
“Tiens … Pas de diplôme ? J’en suis fort surpris. Tant pis, je suis déçu, mais je vais me consoler avec mon petit jeu. Parce qu’elle est gironde la coquine, et elle aime la dentelle ! Je sens qu’on va devenir très amis. Et si on l’écartait cette dentelle ? Et si on montrait un téton ? Mais attention, je veux être sûr que moi aussi, je te plais, alors je veux du téton bien tendu, bien dressé. Et vite, en plus, tu as trente minutes.”
En lisant son message, je mesure, que, loin de toute attente, au lieu de la calmer, mon cliché l’a excité et il réitère son oppression.
Le glas de mon insouciance a définitivement sonné. Il ne lâchera pas si facilement sa proie et le compte-à-rebours est bien plus coercitif cette fois. Trente minutes ! La moitié d’une heure ! Pour corser le défi, je mesure que la queue à la caisse n’a pas avancé, car des articles posent problème.
Mes produits me narguent sur le tapis : mascarpone et boudoirs s’amusent de mes sueurs froides et attendent mon bon vouloir pour réintégrer leur place dans mon cabas.
La grand-mère devant moi, une vraie tortue, dépose délicatement ses articles comme s’ils étaient en sucre. Je trépigne d’impatience et lui propose mon aide, aide qu’elle accepte avec un léger sourire. Gagnée par le stress, je lance mes produits en vrac dans le caddy tout en me renseignant sur l’emplacement des WC.
Je n’aurai pas le délai suffisant pour me rendre à mon domicile. Il reste encore ces sempiternels sanitaires. Je vais devenir coutumière de ce petit coin. Dans cette cellule gris foncé, je dépose mes courses à mes pieds. Fébrile, j’enlève pour la seconde fois ma robe et j’hésite.
Sa demande est sacrément coquine : la photo d’un de mes tétons « tendu et bien dressé ». Je souris. Le cliché n’est pas difficile en soi et ne demande aucun effort de ma part sur cette partie de mon anatomie, car ils sont toujours ainsi, dressés, fiers, pointant souvent sous mes sous-vêtements et transparaissant parfois en relief derrière mes chemisiers. Aucune action mécanique nécessaire pour le contenter. Il me suffit juste de prendre en photo celui de mon choix.
Entre les deux, je me porte aussitôt sur celui imparfait, car la perfection est tellement ennuyeuse.
Je dégaine mon téléphone et photographie le droit, non pas celui près du cœur, mais celui qui possède une belle tache de rousseur brune à sa base, longé par une cicatrice due à un petit kyste. Je soutiens juste un peu mon sein afin que la lumière blafarde du lieu essaie néanmoins de lui rendre hommage.
Surprise, je le regarde qui se dresse et durcit davantage sous mon regard, imaginant le regard de mon tortionnaire découvrant l’objet de sa demande. À la manière d’une framboise posée sur l’extrémité de ma poitrine, il appelle les caresses, la bouche d’un amoureux…
Je vérifie une dernière fois le cliché demandé et attends que les minutes s’égrènent. Je désire jouer avec mon maître-chanteur comme il procède avec moi. Je l’imagine poster à sa fenêtre pour se rafraîchir, un verre à la main, l’autre dans l’entrebâillement de son jean, guettant son écran. Bien désireuse de jouer l’élève rebelle et de faire monter sa tension cardiaque, je ne lui envoie la photo qu’à la trente et unième minute. Je jubile.
Son image fantasmée perdure dans mon esprit, un certain moment, faisant naître une tension certaine dans ma poitrine. Elle devient lourde, plus sensible à l’air climatisé, diffusé dans les WC. La chair de poule parcourt mon corps et mes tétons déjà tendus se gonflent davantage de sang. Ils deviennent très sensibles et appellent des doigts ou une bouche pour les soulager.
Seule, je peux réaliser l’un comme l’autre fantasme. Avec mes pieds, je pousse délicatement mon cabas afin de m’octroyer un espace plus confortable dans ce lieu exigu et de mieux m’ancrer dans le sol en écartant légèrement les jambes. Je penche ma tête, relève mon sein et attrape entre mes lèvres, d’abord, le téton droit. Je le pince délicatement.
Loin de moi l’envie de prendre trop rapidement du plaisir. Cette caresse alimente fortement l’excitation mentale de ce projet qui gagne doucement mon entrejambe. Sous mes lèvres, je sens la délicate rugosité de mon téton et d’un seul coup, je l’aspire. Les sensations croissantes des vagues enivrantes dans mes reins m’obligent à alterner succions, mordillements et léchages en variant le rythme.
Ma main gauche se faufilerait bien entre mes autres lèvres pour évaluer son degré d’humidité née de ces attentions, mais je me refuse de me disperser. Je ressens sur ma peau un maelström de sensations : la rudesse de mes dents, la moiteur de ma bouche, la légèreté de ma langue faisant le tour du téton ou appuyant à son extrémité.
J’aurais souhaité poser dessus mes pinces à tétons abandonnées à côté de mon lavabo. Le temps est suspendu pendant que je me noie dans mes propres émotions, du sein droit puis du sein gauche. Quelques gouttes d’excitation dévalent le long de l’intérieur des cuisses.
La lumière des WC s’éteint brusquement, me ramenant dans le présent, dans ces WC. La minuterie a cessé sa course folle, à la différence de mon pouls.
Je prends le parti de cesser mes caresses buccales à mes tétons pour me centrer sur les motifs de ma présence, combler mon estomac, à défaut de ma jouissance. D’abord les plaisirs du ventre avant ceux du sexe….
Un ronronnement me tire de ma torpeur nocturne.
Mon fidèle compagnon, bafouant mes règles maintes fois répétées, s’étire contre mon dos.
Ce week-end à la campagne a été une bouffée d’oxygène pour moi après la semaine trépidante de projets à orchestrer au travail et la pression quotidienne désormais avec les demandes de mon maître chanteur.
Le réveil tarde à sonner. J’attends depuis plusieurs minutes la délivrance pour me lever, mais le glas n’a pas encore retenti.
Inconsciente de l’heure, je ne désire pas immédiatement la connaître. Peut-être suis-je toujours au milieu de ma nuit ? Ai-je encore un sursis avant de me lancer dans le tourbillon des préparatifs matinaux ?
J’apprécie ce moment hors du temps, rien qu’à moi, pendant lequel je peux laisser vagabonder mes pensées sans devoir les fixer sur quelque chose, ce temps gratuit et personnel qui n’a pas besoin d’être rempli, pas besoin d’être productif, pas besoin d’être occupé. Dégustation des secondes lentes qui me donnent vraiment l’impression de me sentir vivante.
Tous mes sens sont en éveil, hormis la vue, et je me laisse bercer par mes sensations : le roulement de tonnerre dans le lointain, la pétarade d’une mobylette d’un ouvrier embauchant à l’usine, l’odeur de la terre humide…. Juste déguster.
Ce matin, ma main passe sur le drap ancien brodé, à la fois rêche et réconfortant, caresse le creux chaud et doux de mon bras, et se pose sur mon sexe, doucement. Aucune envie de me caresser, de m’apporter un plaisir évanescent. Juste déguster aussi mon propre corps.
La sonnerie finit par me tirer de cette torpeur pour me ramener à ma conscience et aux obligations professionnelles qui m’attendent. Je dois aujourd’hui présenter au comité de direction un nouveau produit, fruit du travail de mon équipe.
Consciente des enjeux pour mon poste, et même davantage depuis le chantage de mon tortionnaire, la pression a grimpé d’un cran pour moi.
Cependant, je suis une femme qui adore sortir de sa zone de confort professionnelle, se mettre en danger, car cette prise de risque m’oblige toujours à développer des compétences inexploitées. Néanmoins, même si l’adrénaline coule dans mes veines, il me faut être performante pour ce temps important. L’enjeu est de taille et la confiance en moi, de mise.
Trop impatiente finalement pour attendre la sonnerie, je saute au pied du lit, éparpillant sous mes pas les ouvrages destinés à préparer mon intervention de ce matin.
Pendant que la bouilloire siffle dans ma cuisine, je décide de me préparer. La tâche n’est pas aisée pour moi. En effet, je choisis toujours mes habits avec attention tant mes robes que mes dessous. Ces derniers possèdent une valeur très particulière à mes yeux. Ils contribuent à me donner de l’assurance, de la confiance en moi. Plus la situation est anxiogène, stressante, plus les sous-vêtements sont coquins, voire érotiques.
Que vais-je donc élire pour présenter mon projet devant le grand Directeur Général ?
Quel dessous secret enveloppera mon corps pour me fournir l’assurance nécessaire à ma présentation ?
Je connais déjà la réponse à cette question évidente. J’agrippe le tiroir débordant de rubans, dentelles, broderies… qui agrémentent mes tenues pour plonger à pleines mains dedans. Je palpe, retourne, fouille.
J’exhume enfin la pièce désirée qui a longtemps reposé en son fond : un body noir exclusivement en dentelle en forme de corset près du corps, orné de deux larges trous pour faire passer les deux seins.
Un string ficelle complète l’ensemble. Je serai bien tentée de m’y rendre sans culotte, comme cela s’est produit dans les cas de grandes angoisses, mais ce recours n’est quand même pas nécessaire ce matin. Je le réserverai à mon tortionnaire s’il me pousse dans mes derniers retranchements. Et encore ! Je veux bien sortir ainsi si je l’ai choisi moi-même seulement.
Pour l’instant, je n’en suis pas encore là.
Attablée devant un thé russe et un morceau de pain tradition maculé de beurre salé, je consulte déjà les mails du travail.
Rien ne vient troubler ma sérénité de ce début de semaine. À l’idée toujours secrète que mon maître-chanteur s’est lassé de ce jeu démoniaque, je m’adosse à ma chaise de bistrot Thonet.
Ma boîte mail est toujours vide et cette découverte me soulage grandement. Évidemment, étant femme matinale, mon maître chanteur ne me concurrence pas dans ce domaine. J’ai donc tout le loisir de déguster mon petit-déjeuner tranquillement sans que son mail intempestif coupe mon appétit.
La bouilloire chante sa douce sérénade à mon oreille pour m’inviter à préparer un thé russe, noir pour son coté charpenté et bergamote pour les saveurs dépaysantes sous la langue.
M’approchant de ma malle ancienne qui me sert de table de salon, je crois voir mon téléphone s’éclairer sensiblement.
Une sempiternelle publicité !
Cependant, ma curiosité remporte le combat et j’ouvre mon écran. Contre toute attente, je ne découvre pas un mail d’un annonceur, mais bien celui de mon maître chanteur.
Surprise… Comment peut-il être réveillé à la même heure que moi ? A-t-il envoyé ce message au hasard, espérant que je le découvrirai avant de partir seulement et non pas en direct ? Me connaît-il si bien qu’il maîtrise mon agenda personnel et sait que je me réveille à cinq heures du matin quotidiennement ? L’horaire du message a-t-il une incidence sur ses exigences et attentes ?
Ces interrogations tournent dans ma tête, et même si elles peuvent m’apporter quelques indices pour le démasquer, elles me rendent encore bien davantage confuse.
à suivre…